Activités hivernales de l'OBVMR
Vous vous demandez sûrement tout ce que peuvent bien faire une équipe de biologistes, écologistes et passionnés d'environnement entre le 15 décembre et la fin avril?
Eh bien en voilà un aperçu!
D'abord on profite de la "saison morte" pour prévoir les rencontres de concertation avec les acteurs du territoire. Celles-ci sont nombreuses! Nous avons rencontré les club de VTT, les associations de lacs, les groupes agissant en forêts, les municipalités et bien d'autres afin de revoir, avec eux, le plan d'actiona du Plan Directeur de l'Eau (PDE). Une grande table de concert'action a ensuite été organisée le 27 février dernier. Celle-ci visait à mettre notre PDE à jour (pour plus d'information sur ce processus de concertation, vous pouvez visiter la page https://www.matapediarestigouche.org/concertaction). À cela se sont ajoutées des rencontres avec les municipalités de Lac-au-Saumon, Val-Brillant, et Amqui afin de discuter des projets en cours que nous avons avec eux. Un grand merci à tous les acteurs qui ont participé à nos rencontres et aux bénévoles qui ont donné leur précieux temps lors des événements!
Ensuite, nous travaillons très fort pour obtenir du financement pour nos nombreux projets. L'hiver est la période de dépôt des demandes de subvention pour la plupart des organismes. Cet hiver, nous avons déposé 13 demandes de subventions différentes pour nos projets de Campagne de sensibilisation sur l'impact du ruissellement urbain sur l'écosystème aquatique, de contrôle de la Berce sphondyle, d'échantillonnage d'eau et d'Opération Puits. C'est sans compter l'administration pour obtenir l'aide de stagiaires français, les demandes de subvention stratégie carrières pour nos postes étudiants et les demandes d'aide financière aux municipalités et MRC et aux autres organismes régionaux. Nous profitons aussi de cette période pour soumettre différentes offres de services pour les acteurs de la région.
Nous travaillons aussi, bien entendu, à l'avancement et la planification de tous nos projets en cours et plus du soutien à l'équipe d'Expo-Sciences de l'école Forimont de Causapscal, de la mise à jour du Diagnostic du PDE pour 2018-23, de la mise à jour du site web... entre autres!
L'hiver est aussi la période des conférences et formations!
Nous avons eu la chance, cet hiver, de participer à de nombreuses rencontres très profitables :
- Présentation de notre projet "Des Jardins de pluie pour le saumon" dans le cadre des webinaires de la FCSA (disponible sur Youtube)
- Comité Aviseur Scientifique de la rivière Ristigouche
- Salmon Summit de Listuguj
- Formation sur les services écologiques à l'Université Laval
- Formation secourisme CNESST
- Symposium de l'Association internationale du contrôle de l'érosion (AICE) à Montréal (http://formobile.ca/symposium2018/)
- Série de 7 webinaires de l'Atlas de milieux naturels des basses terres du St-Laurent (http://www.crecq.qc.ca/rvatlas).
- Forum de l'Atlas des milieux naturels à Nicolet
Maintenant, parce que nous trouvons important de vous transmettre les connaissances acquises, voici des résumés de quelques-unes de ces rencontres, conférences et formations :
Comité Aviseur Scientifique de la rivière Ristigouche
Saviez vous que l'algue Didymo (sujet de recherche de Carolanne Gillis), longtemps considérée comme algue exotique envahissante, est présente dans nos rivières depuis longtemps? Toutefois, elle forme des tapis denses (voir photo ci-bas) dans certaines conditions :
Les tapis de Didymo sont plus abondants lorsque la température est basse, que les nutriments sont peu abondants, qu'il y a beaucoup de lumière et que le lit de la rivière est peu perturbé. Ainsi, plus les crues sont élevées au printemps, moins on retrouve de Didymo dans nos rivières.
Saviez vous que les recherches de Carolanne Gillis ont aussi démontré que la diversité de la diète des saumons juvéniles diminue avec la présence de Didymo? Ceux-ci s'alimentent avec de la nourriture moins riche en carbone, ce qui pourrait potentiellement affecter leur croissance.
Saviez-vous qu'il est possible de suivre en temps réel la température de la rivière Restigouche depuis peu, grâce au réseau RivTemp?
Saviez-vous qu'une équipe a effectué des pêches électrique dans la rivière St-Pierre (complètement à l'amont du Lac Matapédia !) l'été passé et qu'ils y ont trouvé des preuves irréfutables de fraie du Saumon atlantique?
Les données des décomptes de saumon ont montré que l'année 2017 fut une très bonne année pour le saumon atlantique dans nos rivières. Toutefois, les conditions n'ont pas été bonnes pour la pêche.
Saviez-vous qu'il est possible que les saumons s'arrêtent et de se nourrissent le long de l'île d'Anticosti et de la côte Nord, puis suivent le plateau continental avant de traverser vers le Groenland? Ils nagent habituellement entre 10 et 20 m de profondeur et peuvent parfois plonger jusqu'à 900 m! Leurs prédateurs les plus courants sont les requins, les thons et les phoques.
Saviez-vous que les eaux froides de la rivière Assemetquagan sert de refuge thermique pour le saumon lorsque l'eau de la rivière Matapédia est trop chaude?
Saviez-vous qu'un banc d'environ 6 bars rayés a été observé au pont Heppel à l'été 2017? Des suivis sur leur contenu stomacal seront effectués au cours de l'été 2018. Il semblerait, heureusement, que le moment où les saumons juvéniles dévalent la rivière Matapédia ne coincide pas avec l'arrivée des bars rayés dans la rivière!
Saviez-vous que les recherches de Joannie Carrier ont démontré que les Cormorans de la colonie située a la pointe de Dalhousie, à l'embouchure de l'estuaire, ne se nourrissent que très peu de saumons juvéniles? La grande diversité et l'abondance des autres sources de nourriture possible au moment du passage des jeunes saumons font en sorte que les Cormorans se nourrissent à 99% d'autres choses!
Formation sur les services écologique à l'Université Laval
Mireille et Valérie ont eu l'opportunité de participer à une formation d'une journée sur les services écologiques donnée par la chercheure Monique Poulin et Jérôme Cimon-Morin.
Qu'est-ce que les services écologiques? Il s'agit des bénéfices que les humains obtiennent des écosystèmes (définition de : Millenium Ecosystem Assesment 2005). Cette pratique est utilisée depuis la fin des années 90, lorsque l'économiste R. Costanza a mis en lumière la valeur économique des écosystèmes. Le calcul de la valeur économique d'un milieu naturel donne un argument de plus qui aide à en justifier la conservation.
Il n'est pas simple d'évaluer de façon juste la valeur économique d'un milieu et c'est une discipline difficile pour quelqu'un qui a à cœur la conservation des écosystèmes et qui évalue que tout écosystème devrait être conservé autant que possible. Eh bien c'est justement là que le bât blesse. "Autant que possible" varie considérablement selon nos valeurs et nos priorités. Est-ce que la construction d'un centre d'achat justifie la destruction d'un milieu naturel? Et la construction d'un condo? Ou encore, la construction d'un système de traitement des eaux qui permettra à tous de boire une eau de qualité?
Vous voyez le genre de dilemme?
L'évaluation de la valeur économique d'un milieu permet de mieux comparer la valeur du milieu en comparaison avec la valeur du projet de développement.
Pour vous donner un exemple, l'économiste Costanza évaluait, en 2014, que chaque hectare d'un milieu humide valait, en moyenne 25600$. C'est beaucoup! Il s'agit toutefois d'une moyenne mondiale, selon les connaissances disponibles actuellement. Mais surtout, puisqu'un service écologique est, par définition, un bénéfice que les humains obtiennent des écosystèmes, un milieu humide en secteur très éloigné et qui ne serait pas connecté a un réseau hydrologique utilisé par des humains aurait donc une valeur de ... 0$!
On pourrait débattre longtemps sur ce sujet qui mélange écologie, économie, éthique et science sociale, et beaucoup reste encore à faire pour avoir des connaissances suffisantes pour évaluer la valeur d'un milieu naturel avec justesse.
Symposium de l'Association internationale du contrôle de l'érosion (AICE)
Nous avons été invités par l'Ingénieur Gilles Rivard pour présenter le projet "Des jardins de pluie pour le saumon" lors du Symposium de l'AICE à Montréal le 10 avril dernier. Il s'agissait d'une rencontre majoritairement d'ingénieurs, mais aussi d'architectes paysagers et d'organisme à but non lucratif.
Saviez-vous qu'avec un mauvais substrat, votre aménagement peut augmenter la quantité en phoshore envoyé au cours d'eau?
Saviez-vous que dans bien des cas, il est préférable d'utiliser une couche de gravier plutôt qu'un géotextile qui se colmate trop vite?
Devant la popularité des aménagements de gestion de l'eau de ruissellement en tout genre, et devant la multitude de normes, standards et guides de construction disponibles, le Programme d'évaluation des technologies durables (Sustainable Technologies Evaluation Program STEP) ontarien a travaillé sur un guide wiki qui regroupe toutes les informations jugées pertinentes (https://wiki.sustainabletechnologies.ca).
Cette mine d'information, pour l'instant seulement en anglais, comprend des méthodes de calcul de dimensionnement, du soutien pour la sélection des plantes, des méthodes pour la construction des toits verts, et plus encore. L'information s'adresse autant aux ingénieurs, architectes paysagers, hydrogéologistes qu'aux citoyens informés.
Dans le même ordre d'idée, une équipe multidisciplinaire du Québec travaille à mettre en place des standards et des normes CSA pour la conception et la construction d'aménagements de gestion de l'eau de pluie. Cette nouvelle norme CSA est actuellement en consultation sur http://publicreview.csa.ca.
Nous avons ensuite eu la présentation des consultants Catalyse Urbaine, situés à Montréal. Ceux-ci font de nombreux projets très intéressants et nous vous invitons à aller voir sur leur page de descriptions de projets, en particulier celui du triangle Namue-Jean-Talon. Ils y ont transformé un quartier peu invitant et industriel en quartier écologique, résidentiel et convivial.
Ils y ont mis de l'avant le concept de rue partagée qui donne priorité aux utilisateurs les plus vulnérables (piétons, personnes à mobilité réduites, enfants, etc.). L'objectif est de réduire la vitesse des véhicules et de redonner l'espace de la rue aux citoyens pour ainsi permettre une plus grande cohésion sociale entre les citoyens d'un même quartier.
Nous vous invitons à aller voir les tests de fonctionnement des jardins de pluie mis en place sur leur page de nouvelles.
Finalement, nous avons eu une présentation de la chercheure Natalia Moudrak du Centre de recherche "Intact Center on Climate Adaptation" de Toronto. Elle s'intéresse à l'impact des changements climatiques sur les événements climatiques extrêmes et sur les incidences en réclamations d'assurances. Ses résulats montrent qu'au Canada, en 2016, si on retire les coûts reliés aux feux de Fort McMurray, 83% des coûts étaient reliés à des dommages reliés à l'eau!
L'image ci-dessus montre le nombre de désastres naturels au Canada qui ont demandé un accord d'aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) depuis 1970.
Cette image montre les coûts de ces désastres en milliards de dollars (assurés en bleu et non-assurés en rose), au Canada entre 1980 et 2016. L'inflation a été prise en compte.
Ils ont aussi trouvé que la présence de milieux humides peut réduire les dommages aux bâtiments reliés aux inondations d'environ 40%.
Forum de l'Atlas de milieux naturels à Nicolet les 25-26 avril
Ce forum a eu lieu dans le cadre de l'élaboration de l'Atlas des milieux naturels d'intérêt du Plan d'action Saint-Laurent. La zone à l'étude est composée des basses terres du Saint-Laurent situées plus au Sud du Québec. Il s'agit d'un ouvrage colossal d'acquisition de données, de regroupement des données disponibles et de priorisation des milieux naturels dans le contexte d'un plan de conservation. Les milieux visés sont :
- milieux forestiers
- milieux ouverts/friches
- milieux humides
- milieux aquatiques
- système fluvial
La planification de la conservation permet de réduire les biais habituellement observés dans la conservation au 20ième siècle. En effet, on réalise aujourd’hui que la majorité des aires protégées sont situées en altitude, sur des pentes abruptes, sont peu intéressantes pour l'agriculture et sont loin des villes. Il s'agit de secteurs dont les paysages sont magnifiques, mais qui ne sont pas toujours adéquats pour la biodiversité. Les sites en secteurs habités, plus petits et qui ont subi plus de perturbations, sont souvent négligés alors qu'ils sont souvent les derniers refuges pour la faune et la flore de ces secteurs.
J'ai bien aimé la comparaison avec une équipe de hockey. Si on conserve seulement les joueurs qui performent bien, sans se soucier de leurs compétences, il est possible que l'on se retrouve avec une équipe comprenant seulement des attaquants! C'est un exemple bête puisqu'il nous semble logique de prendre en compte les compétences de chacun afin de former une équipe complète comprenant un ou deux gardiens de but, des attaquants et des défenseurs. Eh bien c'est la même chose pour la conservation de milieux naturels. Afin d'avoir la totalité des fonctions écologiques, des habitats nécessaires et ainsi de protéger l’ensemble de la biodiversité, nous devons prendre en compte un ensemble de facteurs lors de la planification de la conservation.
Saviez-vous que jusqu'à 80% des milieux humides des régions habitées ont disparu? Et qu'environ 30 000 km de cours d'eau ont été linéarisés?
Saviez-vous que ce sont les marais, surtout ceux possédant 50% de leur superficie en plantes aquatiques et 50% en eau libre qui sont les plus intéressants d'un point de vue de la production faunique?
J'ai beaucoup aimé la citation suivante :
"An approximate answer to the right problem is worth a good deal more than an exact answer to an approximate problem" provenant de John Tuckey.
Ou (traduction libre) :
"Une réponse approximative au bon problème vaut mieux qu'une réponse exacte au mauvais problème".
Aviez-vous déjà pensé qu'il est souvent trop tard et très compliqué de gérer le développement rapide des zones densément peuplées... mais qu'il est beaucoup plus simple pour nous, habitant en zone peu densément peuplées, de planifier notre aménagement afin d'éviter les mêmes erreurs qu'ailleurs? Il est plus facile de bien planifier l'aménagement tout de suite plutôt que de gérer les erreurs d'aménagement urbain.
Saviez-vous que selon un récent sondage, 19.5% des jeunes adultes du Québec ont récemment pensé s'établir en zone rurale? Ça équivaut à 700 000 personnes!